Choisir...

Une place, animée au possible, dans une ville de merde où les gens ne vivent que pour leur auto-satisfaction primitive. Des hommes, des femmes qui errent, se rencontrent, s'embrassent, partent baiser, s'engueulent, se séparent, se retrouvent, pour finalement ne plus jamais se revoir. Des jeunes insouciants, s'imaginant qu'il vaut mieux profiter de la vie, alors qu'ils finiront jetés dans un hosipce pour vieux par leur saleté de future progéniture ingrate, pour finir noyé dans sa propre urine et sa propre déchéance. Des mères de familles et leurs sales gosses carpicieux, des hommes d'affaires qui appellent leur femme tandis qu'elle les attendent en préparant le déjeuner, des ringards persuadé que le disco referra surface un jour, des intellos, venant exposer leur culture, leurs bouquins compliqués grand ouverts. Et là, assis au bort de la fontaine tronant au milieu de la grande place de cette foutue Ima, un homme, dans un vieux costard mité couvert de sueur, d'alcools divers et de taches de sang, le cache-oeil repoussé sur le front.

La corde encore accrochée à sa nuque, sortant à peine d'une folle soirée, journée ou autre. Le temps n'a plus d'importance quand on a la drogue. De brefs souvenirs flous. Toujours comme ça avec l'Elcow. Vaguement, des images, des gens, criants, riants, lui, grimpant sur un tabouret, défiant de nouveau ce monde de merde, son corps, la vie, sa vie. Quelqu'un lance une bouteille, l'une des rares fille présent l'a reçut en plein visage, elle saigne comme un cochon comme égorge et hurle comme une truie. Un homme colle un pain monumental sans raison à son voisin, des chaises se fracassent sur des crânes, on gaspille de precieuses bouteilles de bière pour s'en servir comme arme, des cons se battent. De dernières images, une corde, une poutre, lui, un son, un rire, un saut, le noir total.

Et le voilà, plus vivant que la morne population fréquentant le centre de cette saloperie de ville, assis sur une putain de fontaine qui puise les dernières ressources d'eau de la planète pour qu'aucun de ces connards de passants n'y fasse gaffe. Et en plus, il n'a plus de clope.

"Debout les jambes."

Aucune réaction. Il paraît comme engourdit.

"J'ai dit debout."

Toujours rien. Il reste pensif, observant ses infames membres désobéissant de son unique oeil valide. Réaction. Il appuie ses mains en arrière sur le rebord de la fontaine. Effort. Il pousse sur ses avants-bras. Récompense. Son corps se soulève, grâce aux efforts d'une relative mulitudes de muscles. Dérapage. Sa main glisse, il tombe violement de la fontaine pour s'écraser la tête la première sur les pavés sales de la grande place. Au moins, il est moins ridicule que s'il avait plongé involontairement dans l'eau semée d'urine...

Ca y est, il arrive à se relever. Personne ne l'a remarqué. ou du moins, comme à l'habitude, tout le monde évite de le regarder. Il fouille dans les poches de son pantalon. Vides, si ce n'est qu'une carte bancaire couverte de poudre blanc. Il a oublié son briquet dans cette saloperie de bar pourri. Il époussette vaguement sa veste, juste pour le geste, et se perd dans la foule, à la recherche d'un tabac encore ouvert. Après, il aura quelques affaires à régler avec Pablo...

"Et cette saloperie de soleil artificiel, merde!" hurla cet homme déséspéré par la vie et le beau temps.

Fumée...

Rouge, bleue, violette... Parfois blanche. C'est beau. Deux iris vertes contemplaient le spectacle, admiratives. Avez-vous déjà observé les étonnants mélanges de couleurs que crée la fumée d'Opalis ? Cette drogue aux effets hallucinatoires dont la fumée change de couleur à chaque expiration avaient toujours fasciné Sid. Celui-ci, posé sur une marche, un briquet dans une main, un joint d'Opalis dans l'autre, gardait les yeux au ciel, ne lâchant plus la fumée des yeux. Eclatés par la fatigue et tout aussi exorbités qu'habituellement - voire même plus, ses orbites ne cessaient de bouger convulsivement selon les courbes de la fumée colorée. De petites veines rouges les lézardaient. Son esprit vagabondait, dansant la même valse, au même rythme, que le tourbillon de couleurs...

Ecrasant son joint sur la pierre froide, Sid s'en refit un. Le briquet entre les dents, ses mains expertes roulant les deux feuilles de papier transparent entre lesquelles on apercevait la feuille d'Opalis si reconnaissable à sa sublime couleur bleue.

Cela faisait bien depuis hier soir qu'il était là, à alterner entre les différentes drogues, y trouvant de la réjouissance à chaque seconde. Ou peut être depuis seulement quelques heures. Peu lui importait. Le chef de clan avait la vie devant lui, ou plutôt, n'avait pas la même valeur du temps que les autres. Les mois, les jours, les heures, les secondes, les nano-secondes semblaient plus longues du point de vue de Sid. Ainsi, l'éternité d'une seconde passa...

Et soudain.

- Et cette saloperie de soleil artificiel, merde! gueula quelqu'un, non loin de Sid.

Le briquet toujours entre les dents, le joint allumé entre les doigts, la fumée colorant le ciel; Sid tourna violemment ses orbites exorbitées vers l'apparition. L'homme avait une démarche lente mais brusque. Ce quelqu'un avait l'air énervé... Sid se transforma en vapeur et s'éleva vers l'être criard. Aussi vaporeux et ondoyant que la fumée du joint qui brûlait encore entre ses doigts, le dément inspecta le dos de l'inconnu.

Maaais... !!! Bleus... !! Il avait des cheveux bleus, ce jouvenceau ! Cela se mêlait bien avec la fumée jaune et poupre !!! Le fou renifla tendrement la chevelure chatoyante.

- Cheveux... murmura Sid à l'oreille du garçon. 'Sont beaux...

Il sauta en avant pour observer le visage du "Maître aux cheveux bleus", ainsi nommé par son esprit.

- Yaaah ! tenta de crier Sid, le dents retenues par le banal briquet.

Le visage le ravit. L'étrangeté de son expression, les jolies petites billes argentées un peu partout sur le visage et son regard profond séduisit Sid.

- Ha heum... Mais dites moi jouvenceau... Pom pom pom... Ne se serait t-on pas déjà zaperçuu quelqueeuh paaaaaaart ?!! grommela Sid, les dents toujours aggripées au briquet violet.

Le nez et les sourcils froncés à l'excès, Sid avança le crâne et plongea ses prunelles vertes dans celles de l'inconnu. Le nez des deux hommes s'effleuraient presque.

Rah. Non seulement il n'a pas de briquet, mais en un connard de première se tappe un joint d'Op' pas loin. La vue de cette fumée excentrique l'obsède. Même si il a bien sûr le matèriel nécessaire à ce genre de consomation sur lui, il lui manque l'essentiel. La chose ultime, qui a permis à l'homme de devenir ce qu'il est et de mieux détruire la planète. Un putain de silex qui se frotte contre un autre putain de silex, pour allumer une putain de mêche imbibé de cette saloperie d'essence. Le feu.

"Cheveux... 'Sont beaux..." entendit-il tout prêt de son oreille.

C'est alors qu'une chose aux cheveux hirsutes, hurlant un vaste cri primaire, les yeux globuleux équarquillés et emerveillés tel ceux d'un boutonneux puceau devant un film porno, se dressa devant lui, un briquet entre les dents.

Il l'observe. D'ailleurs, IL l'observe aussi.
Souain, un sourire emplis de béatittude se dessine sur le visage de l'abruti. C'est alors qu'il dit ces mots énigmatiques, avec un air de plus en plus constipé:

"Ha heum... Mais dites moi jouvenceau... Pom pom pom... Ne se serait t-on pas déjà zaperçuu quelqueeuh paaaaaaart ?!! "

Ca y est. Yoshio en est sûr. C'est un crétin de premier choix.
Mémoire, mémoire... Aurais-je déjà vu ce cas? Possible... Peut-être...

"Tu es Ben, non? Le con qui a tenté de m'arnaquer avec sa farine déguisé en came de luxe?" tente vainement Yoshio d'un air impassible.